À LA LUMIÈRE DE LA SPIRALE DYNAMIQUE

S’il est un modèle très aidant pour soutenir la compréhension des changements qui ont lieu actuellement, c’est bien celui de la Spirale Dynamique du Pr. Clare W. Graves (1914-1986).
Son nom d’origine est : « Le modèle de la double hélice émergente, cyclique, du développement biopsychosocial chez l’adulte mature ». En fait, il est une proposition de modélisation de l’évolution des individus et des sociétés et de la propension de l’être humain à changer ou pas. Comprendre les mécanismes à l’œuvre dans cette Spirale permet de replacer l’émergence des nouvelles gouvernances dans nos sociétés et d’éclairer la sociocratie dans un vaste mouvement d’ensemble.

LES FACTEURS DE CHANGEMENT

David Mc Clelland, psychologue réputé de Harvard et expert en motivation, nous dit que le changement dépend de trois facteurs importants : désirer, vouloir, savoir. Lorsqu’une personne désire un changement, elle doit vouloir agir pour changer et savoir de quelle manière elle doit faire le changement. Si elle ne sait de quelle manière elle doit faire le changement, c’est un problème de formation. Si elle ne veut pas changer, nous avons à faire à un problème de motivation. Si elle n’a pas la possibilité de changer dans un environnement donné à cause de diverses contraintes, il s’agit d’un problème systémique. En tous les cas, le changement ne peut survenir que dans la mesure où la personne le désire. Aujourd’hui nous dirions qu’elle peut changer si elle est ouverte à l’expérimentation.

Que signifie vouloir le changement ? Nous voulons changer, si le changement nous permet d’obtenir quelque chose que nous n’avons pas et que nous désirons (de type inclusion). Ou encore, si le changement nous permet d’éviter quelque chose que nous ne voulons pas ou plus et que nous aurions à subir si nous ne changions pas (de type exclusion).

COMMENT CELA FONCTIONNE-T-IL ?

La vie et les milieux dans lesquels nous évoluons exercent des pressions qui sont autant de défis que nous avons à relever. Et nos équipements neurobiologiques (corps/cerveau) créent des solutions pour répondre à ces défis. Donc, les situations que nous expérimentons exercent une pression sur nous et nourrissent ou pas nos besoins. Besoins qui sont nos mécanismes de prise de décisions, nos moteurs de vie. Ce mouvement d’attraction/évitement nous conduit à opérer des choix, à effectuer des priorités qui se traduisent en valeurs, (besoins et valeurs étant les deux faces d’une même pièce). Ces valeurs sont le reflet d’un processus fondamental de tension évolutive et nous donne des indications sur nos préférences, elles sont organisées en système.

LA THÉORIE DE LA SPIRALE

Le premier postulat de Graves est de poser que nous vivons dans un vaste système fait de flux dynamiques inter agissants. Du point de vue de l’évolution, il a mis à jour huit systèmes de valeurs qui ont émergé de la planète jusqu’à maintenant. Chacun de ces systèmes de valeurs est apparu en réponse à une série de problèmes ou de défis posés par l’existence. Les systèmes de valeurs étant des mécanismes de résolution de problèmes, développés par la psyché en réponse à certaines situations, dans un milieu donné ou dans divers contextes de la vie.
Graves affirme que son modèle est émergent parce qu’il repose sur cet autre postulat : de nouveaux systèmes de valeurs vont continuer à émerger au fur et à mesure que les questions posées par le milieu vont changer. C’est une spirale double et cyclique parce que chaque système de valeurs est la conjonction de deux forces. Les défis ou problèmes de l’existence d’un côté et les mécanismes neurologiques et mentaux de réponse de l’être humain de l’autre. Les systèmes de valeurs reflètent donc la façon dont les gens pensent (valeurs, structures de croyances) et non ce que les gens pensent (signification des valeurs et des croyances). Ce modèle s’applique à tous les aspects du comportement humain : biologique, psychologique et sociologique. Il nous permet de comprendre les évènements, les situations tant au niveau individuel que collectif comme les interaction politiques, les relations internationales, les organisations, etc.

LES FONDEMENTS DE LA THEORIE : LES GENES ET LES « MEMES » AU CŒUR DE L’ADN

Dans son ouvrage intitulé « The Evolving Self » publié chez Happer & Collins en 1993, Mihaly Csikszentmihalyi utilise le mot mème par opposition au mot gène pour identifier l’origine des comportements humains par rapport aux caractéristiques physiologiques. Richard Dawkins a introduit le mot en abrégeant le mot grec mememe. Ses collègues et lui, l’on définit comme une unité d’information culturelle, à savoir : une idéologie politique, une tendance de mode, le langage courant, les formes musicales ou encore les styles architecturaux. Les gènes sont à l’ADN biochimique ce que sont les mèmes sont à notre ADN psychoculturel. Les mèmes sont des unités d’information de conscience collective et transportent leurs visions à travers l’esprit ou la pensée.

Le jeans crée à la fin du siècle dernier est un exemple de mème. Répondant à un besoin de résistance, de confort et de praticité, ce pantalon crée à l’origine pour des travailleurs (bûcherons, chercheurs d’or) est devenu une unité d’information qui s’est propagée par contagion-imitation à un point tel qu’aucun pays sur la planète n’échappe à ce code vestimentaire. Il porte en lui des valeurs de simplicité, démocratie, modernité et aussi de décontraction, etc.

Les mèmes sont comme des particules. La Spirale Dynamique définit l’existence d’une autre sorte de « métamème » appelé mème « valoriel » ou systémique : MEMEv. Ces MEMEv sont des principes structurants qui exercent une attraction sur les mèmes de contenu. Ces MEMEv sont les acides aminés de notre ADN psychosocial et agissent comme une force magnétique qui lie les mèmes en une sorte de pensée cohérente. Ils structurent une mentalité. Les MEMEv sont le pivot des cultures organisationnelles qui déterminent comment et pourquoi les décisions sont prises.

LES COULEURS DE LA SPIRALE DYNAMIQUE

Voici le résumé chronologique et les couleurs des MèmeV abrités par la Spirale Dynamique de Graves, tels qu’usités de nos jours, (lire de bas en haut du tableau) :

Les différents stades de développements décrits par la spirale dynamique impliquent qu’à chaque paliers l’homme, les hommes développent des réponses aux nouveaux défis par des réponses nouvelles. Ils acquièrent donc une capacité à gérer une complexité grandissante, bien sûr toujours inter corrélée aux développements de technologiques inédites et de découvertes scientifiques majeures (le feu, l’écriture, l’imprimerie, les moteurs, l’électricité, le numérique, etc.). Le rythme s’accélère de plus en plus car l’être humain monte en compétences systémiques, capacités qui sont liés au cerveau le plus récemment développé : le néocortex. C’est le siège de l’observation neutre, de la prise de recul, de la position « méta ». Il a, au passage, entrainé le paléo limbique qui lui permet, entre autres, de comprendre ses émotions et de développer des relations et musclé le néo limbique, qui lui sert de disque dur, de quelques Téra et Péta octets, pour analyser, stocker, trier, prioriser, etc.
On peut dire qu’à chaque palier de la Spirale émergent des niveaux de conscience de plus en plus éveillés nourris par des intentions affinées et une attention au monde accrue.

LE CŒUR BATTANT DE LA SPIRALE

S’il est un principe archi important ;-) , dans la spirale, il tient dans ces deux mots : INCLURE & TRANSCENDER ! En effet, il n’y a pas d’évolution possible d’un stade à l’autre sans une compréhension précise de l’exigence du mouvement. Il s’agit non pas de changement, voire de transformation mais plutôt d’une métamorphose. À l’image de la chenille et du papillon, ce sont bien les mêmes ingrédients qui servent ces deux formes de vie. Ce qui motive le changement de dessin, c’est le changement de dessein. L’utilité à la vie, du papillon, n’est pas la même que celle de la chenille. Ainsi pour déployer nos ailes, nous devons expérimenter et actualiser nos compétences : instrumentales, émotionnelles, interpersonnelles, créatives et systémiques en « digérant » les apprentissages des paliers précédents jusqu’à ce qu’une maturité nouvelle nous emmène naturellement vers le palier supérieur. Et, si nos conditions de vie changent drastiquement, nous pouvons être poussés à changer de manière bien plus vigoureuse (ex : Covid). En effet, c’est la tension évolutive qui existe entre nos conditions de vie et nos réponses psychobiologiques qui crée les ascenseurs montants ou descendants au sein de la spirale (évolution/involution).

Enfin il faut bien garder à l’esprit qu’il n’existe pas de systèmes de valeurs qui soient meilleurs ou pires que d’autres. Ils ont chacun leur utilité et leur part de lumière et d’ombre (appropriés aux conditions du milieu ou non appropriés). Ces systèmes sont différents par leur complexité, leur capacité à gérer diverses situations et par leur niveau d’engagement personnel. Ils n’ont rien à voir avec l’intelligence, le tempérament ou le jugement des personnes, même si ces facteurs jouent un rôle important dans notre perception du monde.
Dans nos démocraties, nous entrons globalement et actuellement, en transition entre le MèmeV Orange et le MèmeV Vert, et encore très imprégnés de Bleu aussi. Nous sortons à peine et avec peine de la normalisation et de l’industrialisation à tout crin pour découvrir la richesse du capital humain. Et l’on peut penser qu’aujourd’hui avec la dématérialisation globale des services, nous expérimentons un retour en force des mèmes Bleu de cadrage (binaire), quand bien même cela est au service de la mise en réseau (Jaune).

CULTURES & STRUCTURES

Comme on peut commencer à le percevoir, les différentes cultures émergeantes ont produit des organisations distinctes. L’homme ne vit pas le collectif au sein de sa tribu comme au sein d’un réseau social. Ainsi à chaque stade de développement culturel est attaché une organisation adaptée.

Le mouvement est pendulaire, c’est-à-dire qu’il oscille régulièrement entre deux polarités :
 Les couleurs chaudes (Rouge, Orange, Jaune) sont un mouvement dit « expressif » où le MOI/JE s’exprime et cherche à imprimer sa marque sur le monde. Il est individualisant.
 Les couleurs froides (Violet, Bleu, Vert) sont dits « sacrificiels » où le moi s’efface au profit du « NOUS », du collectif, de la communauté. Il est socialisant.

Aujourd’hui, un pourcentage significatif des individus est en rupture avec le système de valeur Orange. Ce phénomène s’est accéléré avec l’épidémie mondiale et une forme de conscience collective qui émerge. Ainsi le mèmeV Vert vient se vivre au cœur des attentions : dans les entreprises, les actions gouvernementales, l’écologie, le social, les ponts inter générationnels, etc. Les mots « bienveillance, résilience, bien être » sont à la mode et c’est le reflet de ce mouvement et des attentions de la période.

SOCIOCRATIE & ÉVOLUTION

De toutes les formes de nouvelles gouvernances, la sociocratie telle qu’elle est exercée et vécue par The Sociocracy Group, toujours soutenue et développée par son évhémère Gerard Endenburg, est la première (1970) et pour le moment, la plus complète et adaptée, des technologies sociales propre à INCLURE & TRANSCENDER les niveaux de la spirale dynamique.

Pourquoi ? Tout simplement grâce à ses règles simples, ses process précis et son ouverture humble et humaniste. Elle veille à prendre en compte les niveaux Violet, Rouge, Bleu, Orange, Vert pour soutenir le saut quantique que demande la montée en Jaune, le 1er mèmeV d’existence. Oui, la marche est haute entre Vert et Jaune car il est question, au niveau individuel, de gagner RESPONSABILITÉ & AUTONOMIE. C’est-à-dire que pour fonctionner en système flexible, chacun doit pouvoir prendre la pleine responsabilité de lui-même et de ses actes et aussi de savoir continuer à progresser et apprendre dans une interdépendance et une hiérarchie naturelle apprivoisées (mentors & pairs). Le niveau Jaune est celui de La Direction et du Leadership (réflexif de soi et des autres) pleinement assumés. Pour être un Dirigeant/Leader Jaune, il faut savoir faire et être : éducateur (Violet), meneur (Rouge), organisateur (Bleu), compétiteur (Orange), coopératif (Vert) et intégratif (Jaune). Cela induit qu’il faut être passé par des expérimentations réelles, sur le terrain, de toutes situations ayant permis ces apprentissages, dans la joie et parfois dans la douleur de la transformation. Certains leaders s’auto déclarent Jaunes car ils sont à l’aise avec les systèmes flexibles, mais leur aisance organisationnelle (mode projet) et numérique ne masquent pas certains trous dans la raquette soit en Violet (sécurité), soit en Bleu (cadre), soit en Vert (humanité). C’est pourquoi une expertise extérieure peut être d’une grande aide pour mettre de la clarté dans le système et soutenir tous les aspects de la métamorphose.

La Gouvernance Circulaire Sociocratique est une méthode unique dans le sens où elle inclue les organisations hiérarchiques pyramidales et stratégiques qui sont pleinement adaptées pour exécuter rapidement des tâches (ex : sapeurs-pompiers). Et de nombreuses entreprises sont encore structurées ainsi en Bleu et en Orange. Pour soutenir la transcendance et les apprentissages Verts, elle superpose sur ces structures, une structure de communication et de prise de décisions résolument de niveau Vert-Jaune qui régule et organise le pouvoir (versants ténébreux de Rouge et Orange). Ainsi, elle soutient la montée en puissance de chaque personne, met en lumière et intègre les systèmes de valeurs de tous les collaborateurs avec leurs compétences spécifiques actualisées, pour le plus grand bénéfice du collectif et de l’ensemble de l’organisation.

Ainsi, pour espérer conduire les changements dans nos organisations, nous devons développer une posture humble d’apprentissage (dixit Gilles Charest & Ghislaine Cimon / TSG) soutenue par une pratique intensive de sportif de haut niveau. Oui, ce n’est que quand nous acceptons de ne pas être complets, que nous pouvons encore et encore apprendre et progresser. Et ce n’est que quand nous expérimentons profondément la première règle sociocratique de l’équivalence dans tous les aspects de nos vies que nous commençons à gouter aux premières saveurs de l’existence, Vert-Jaune-Turquoise.

Pour le TSG Global
Sylviane Drevon TSG France Océan Indien
0ctobre, 12, 2021

This entry was written by Sylviane Drevon , posted on Vendredi juin 30 2023at 05:06 , filed under Approche Intégrale, Réflexions, Sociocratie, spirale dynamique and tagged , , , , . Bookmark the permalink . Post a comment below or leave a trackback: Trackback URL.

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